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19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 15:16
L'invention d'un Nietzsche de gauche

"Durant les années 70, les philosophes français, de Michel Foucault à Gilles Deleuze en passant par Jacques Derrida ou Pierre Klossowski, avaient surtout à coeur de laver Nietzsche de la tache que représentait sa récupération par les nazis. C'est pourquoi ils ont inventé de toutes pièces un Nietzsche de gauche, une sorte de penseur de la déconstruction, qui démonterait toutes les idéologies sans en défendre aucune. Quant au thème de la joie et de l'approbation du monde, pourtant omniprésente dans l'oeuvre, ils préféraient le cacher sous le tapis. Car, n'est-ce pas, il y a de la misère dans le monde, des inégalités sociales, des spoliations, des guerres... Approuver ce monde tel qu'il est, louer la réalité, c'est un luxe et un comportement de social-traître. Personnellement, je combats cette manière d'édulcorer Nietzsche - sa pensée, comme celle de Spinoza, est implacable et cruelle. Affirmer le monde, prôner la joie, c'est d'une grande cruauté, puisque cela revient à opposer un front insouciant aux pires catastrophes."

Clément Rosset, extrait de son entretien dans "Nietzsche l'antisystème" hors série n° 26 de Philosophie magazine.

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5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 19:45
Rémi Soulié

Réponses de Rémi Soulié, auteur de l'essai "Nietzsche ou la sagesse dionysiaque" (éd. Points), au questionnaire de la Nietzsche académie :

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Rémi Soulié - Immense, comme philosophe, écrivain, penseur, moraliste, spirituel, poète et même, en un sens, musicien. L’oeuvre de Nietzsche n’a rien perdu de sa puissance de déflagration et de libération. A l’instar de Pascal, contre lui mais avec une intensité comparable, Nietzsche se saisit de l’ébranlement moderne dont il tire bien évidemment des conclusions très différentes de celles de l’auteur des Provinciales. De ce point de vue-là, son oeuvre est cruciale, à la lettre, en ce qu’elle se situe à la croisée de nos chemins.

J’ai rencontré Nietzsche assez tôt mais, à la différence des jeunes gens qui le lisent en général au sortir de l’adolescence, je ne l’ai lu sérieusement que vers 22 ou 23 ans, au premier chef pour des raisons plus politiques que métaphysiques ou religieuses — si tant est que cette distinction commode soit pertinente. En ce temps-là, c’est essentiellement le contempteur du « dernier homme » qui m’intéressait — je travaillais d’ailleurs à une étude sur le nietzschéisme des Deux étendards de Rebatet, que je reprendrai peut-être à l’occasion.

Ma seconde lecture cursive et minutieuse date de la rédaction du petit essai sur Nietzsche et la sagesse dionysiaque où la dimension religieuse — disons, gréco-romaine ou « païenne » — est plus présente.

Nietzsche compte au nombre des écrivains qui permettent de continuer à vivre quand le désert croît.

N.A. - Etre nietzschéen, qu’est-ce que cela veut dire ?

R.S. - De prime abord, il est plus aisé de dire ce que cela ne signifie pas : adhérer à un catéchisme ou à une orthodoxie, l’un et l’autre inexistants. Pour reprendre le titre d’un livre de Jean Grenier, je dirais que Nietzsche est celui qui, par excellence, nous délivre de l’« esprit d’orthodoxie », de cet esprit religieux qui se caractérise par son assurance culottée et plombée (au sens du cul-de-plomb.)

Etre nietzschéen, c’est accepter le beau risque de s’engager sur un chemin unique, le nôtre, et de travailler à regarder le soleil et la mort en face. « L’aigle regarde sans crainte le soleil en face… », écrit Angelus Silésius — on sait l’importance de l’aigle dans le bestiaire nietzschéen. Quant à la mort, c’est être grec que de se savoir « mortel », Nietzsche nous le rappelle utilement contre toutes les illusions. Au fond, Nietzsche autorise chacun à devenir qui il est, donc, à se trouver.

Etre nietzschéen, c’est prononcer un « oui » sans reste à la vie et l’aimer, c’est donc « rester fidèle à la terre » et au ciel (mais pas au sens toujours métaphorique de la religion, bien entendu.)

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

R.S. - Le Crépuscule des idoles, à mes yeux le plus nietzschéen des livres de Nietzsche, y compris dans la forme — fragmentaire.

N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

R.S. - Il se situe autant par-delà la droite et la gauche que par-delà le bien et le mal ! Dans l’acception politicienne misérable de notre temps, ces deux notions ne veulent strictement rien dire. Demeurant néanmoins attaché à la notion évolienne de « Droite » principielle, je placerais volontiers Nietzsche dans cette catégorie, plus poétique ou philosophique que politique. Nietzsche, en effet, pourfend toutes les idoles vénérées par les modernes : l’égalité, le libéralisme, le socialisme, la démocratie, le droit, l’hédonisme, le progrès etc.

J’ai beaucoup de respect pour Michel Onfray et, en particulier, pour l’essai qu’il a consacré à « Cripure » — Georges Palante — et au nietzschéisme dit de gauche. Toutefois, je vois là une impasse ou, plus exactement, une aporie dont Michel Onfray lui-même commence de plus en plus à se rendre compte. Encore un effort et il pourra dire avec Péguy qu’« être peuple, il n’y a encore que cela qui permette de n’être pas démocrate ».

N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

R.S. - Parmi les contemporains, Onfray, justement, mais aussi Philippe Sollers ou Gabriel Matzneff ; Renaud Camus, également, même si Nietzsche n’est pas explicitement présent dans son oeuvre : il mène une vie nietzschéenne en ce qu’il est un « esprit libre », libéré des préjugés et des superstitions actuelles. Je le dirais aussi de Marc-Edouard Nabe.

N.A. - Pouvez-vous donner une définition du surhomme ?

R.S. - Précisément, celui qui parvient à regarder le soleil et la mort en face, celui qui bénit l’alternance du jour radieux et de la nuit noire.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

R.S. - « Amor fati : que cela soit dorénavant mon amour. » Je vois là le point culminant de la sagesse dionysiaque ou tragique. Vouloir le « tout » du monde est la marque du plus grand amour (Nietzsche est un grand penseur de l’amour ; je me demande jusqu’à quel point cela a été dit.)

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 21:03
L'essence de la vie

"La vie elle-même est essentiellement appropriation, agression, assujettissement de ce qui est étranger et plus faible, oppression, dureté, imposition de ses propres formes, incorporation, et, tout au moins exploitation."

Nietzsche, "Par-delà bien et mal" §259

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13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 20:08
Une noble idée de soi

"Les Grecs ne voyaient pas les dieux homériques au-dessus d’eux comme des maîtres, et eux-mêmes en-dessous des dieux comme des valets, ainsi que les Juifs. Ils ne voyaient en eux que le mirage des exemplaires les plus réussis de leur propre caste, partant un idéal, et non le contraire de leur propre être. On se sent parents les uns des autres, il se forme un intérêt réciproque, une espèce de symmachie. L’homme prend une noble idée de soi quand il se donne de pareils dieux, et se place dans une relation semblable à celle de la petite noblesse à la grande (...)"

Nietzsche, "Humain, trop humain" §114

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 20:24
Cruel comme la nature

"C'est le féminin dans notre civilisation qui amollit la vision du monde : les hommes grecs sont cruels comme la nature. Les fantasmes de la femme sont autres que ceux des hommes : selon que les uns ou les autres l'emportent dans l'éducation, la civilisation a quelque chose de féminin ou de viril."

Nietzsche, "La Naissance de la tragédie. Fragments posthumes. Automne 1869 - Printemps 1872", éd. Gallimard.

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 20:27
Pour un idéal plus robuste

"Guerre à la conception efféminée de la "noblesse" ! - On ne saurait se passer d'une dose de brutalité en plus, tout aussi peu que d'un certain voisinage avec le crime. Il ne faut pas y chercher non plus le "contentement de soi" ; il faut être aventureux, même vis-à-vis de soi-même, audacieux, destructeur. - Rien du bavardage onctueux des belles âmes. - Je veux faire place pour un idéal plus robuste."

Nietzsche, "La Volonté de Puissance" §444

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 20:28
L'éveil nietzschéen

"Frotte tes yeux, afin d’en chasser le sommeil, toute myopie et tout aveuglement. Ecoute-moi aussi avec tes yeux : ma voix est un remède, même pour ceux qui sont nés aveugles.
Et quand une fois tu seras éveillé, tu le resteras à jamais."

Nietzsche, "Ainsi parlait Zarathoustra" - Le convalescent §1

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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 15:06
Sir Shumule

Réponses de Sir Shumule au questionnaire de la Nietzsche académie. Sir Shumule est un auteur 2.0 (http://cheshireclub.blogspot.fr/), un dandy nietzschéen à la plume aristocratique qui donne à la toile ses lettres de noblesse.

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous?
Sir Shumule - Nietzsche est mon Jiminy Cricket, mon life coach et mon conseiller conjugal.

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous?
S.S. - L'Antéchrist.

N.A. - Être nietzschéen, qu'est-ce que cela veut dire?
S.S. - Justement : faire partie des inclassables.

N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche?
S.S. - Funky Chrysogomphe.*

N.A. - Quels auteurs sont nietzschéens?
S.S. - Moi et Olivier Meyer. Et Dieu, bien sûr.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du Surhomme?
S.S. - Þórr.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche?
S.S. - "On fait parfois de la Magie" (qui fut sa dernière phrase consciente).

* A question absurde, réponse absurde :D

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 21:33
Qu'est-ce qui est noble ?

"Une autre actualité de Nietzsche m'intéresse. C'est quand il énonce, dans la foulée de « la mort de Dieu », que, désormais, ça va être « plèbe en haut et plèbe en bas ». Autrement dit, nous avons perdu le sens d'une hiérarchie des valeurs, du goût, des pensées, tout ce qui définit l'ensemble d'une civilisation. Il se demande : « Qu'est-ce qui est encore noble? » Ce qu'il appelle l'aristocratie a disparu. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une noblesse de privilège, tombée avec la Révolution, il ne s'agit pas non plus d'admirer les mariages princiers ou d'applaudir la « peopolisation » à outrance, qui sont la vulgarité même, de gros spectacles plébéiens, voracement avalés par la foule. Voyez la grande cérémonie à Londres pour le mariage de ce prince. Plèbe en bas, dans la foule, devant les écrans, plèbe en haut, où les people se battent pour être assis près de la reine d'Angleterre. Qu'est-ce qui est noble ? Ce n'est donc pas une noblesse de privilège ou de nouveaux riches, de stars, mais la noblesse d'esprit, la nouvelle déclaration des droits de la noblesse d'esprit, des esprits libres libérés de « l'instinct de troupeau ». Et où la trouve-t-il? Chez les Grecs bien sûr. Mais aussi dans l'esprit français, les Lumières françaises. Il admire Voltaire, à qui il dédie Humain, trop humain, Voltaire qui a pour lui la qualité du Grec antique, la vitesse d'esprit, le goût pour le style, l'intérêt pour la langue mais aussi l'humour, l'insolence française et ce refus de l'abêtissement religieux..."

Philippe Sollers, "Où en sommes-nous avec Nietzsche ?" in "Le Monde", Hors–série, Une vie une oeuvre Friedrich Nietzsche, L’Éternel retour, juin 2011.

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 20:20
Une question de repères

Le philosophe Alain de Benoist est sous les feux de la rampe suite à la charge du premier ministre Manuel Valls contre Michel Onfray accusé de perdre ses repères en raison d'une soi-disant préférence donnée à Alain de Benoist sur Bernard Henri-Lévy. Cela en dit long sur la nature totalitaire du régime actuel. Interdiction de penser en dehors des clous judéo-maçonniques. Alain de Benoist, heideggerien, n'est pas ma tasse de thé, mais force est de constater qu'il est un esprit libre, que son oeuvre, même si le style universitaire est imbitable, a le mérite de défendre une certaine idée de l'Europe, païenne et libre. On relira donc avec le plus grand intérêt les réponses ci-dessous d'Alain de Benoist au questionnaire de la Nietzsche académie :

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