"Toujours au chapitre Pourquoi j’écris de si bons livres d’Ecce homo, Nietzsche met en garde contre une interprétation darwinienne du surhomme : « D’autres bêtes à cornes savantes, à cause de ce mot, m’ont suspecté de darwinisme (...) ». Le surhomme n’est pas un fruit de la sélection naturelle c’est tout le contraire, il est le fruit d’une sélection culturelle, celle de l’esprit libre et du triomphe de sa volonté. Comme le rappelle Nietzsche dans Le Crépuscule des idoles, « les espèces ne croissent point dans la perfection : les faibles finissent toujours par se rendre maîtres des forts – c’est parce qu’ils ont le grand nombre, ils sont aussi plus rusés… Darwin a oublié l’esprit (– cela est bien anglais !), les faibles ont plus d’esprit… Il faut avoir besoin d’esprit pour arriver à avoir de l’esprit, – (on perd l’esprit lorsque l’on n’en a plus besoin). » La novation de Nietzsche avec le surhomme est de mettre l’esprit au service de la force et de la grandeur là où d’habitude il est au service du troupeau des faibles. Cette révolution culturelle explique également le credo de Nietzsche, l’amor fati, l’amour du destin, exprimé dans Le Gai Savoir. Car si le surhomme est le fruit d’une sélection culturelle, cette sélection ne peut se réaliser que sous la contrainte de la nécessité, celui d’un destin. Nietzsche donna lui même l’exemple, en fuyant l’université de Bâle où il enseignait et où il aurait pu ronronner dans une routine petite-bourgeoise, pour prendre la route, voyager, marcher, écrire, créer une oeuvre, en quête permanente de grande santé et de vérité."
(Source : Nietzsche Hyperboréen ou l'école du surhomme d'Olivier Meyer, éditions du Lore, 2011)